40 – Conférence de Dennis Meadows

Le 1er mars dernier, Dennis Meadows, auteur du célèbre rapport publié en 1972 sous le titre « The Limits of Growth », traduit en français par « Halte à la croissance? », a donné à Washington une conférence intitulée « It is too late for sustainable development » (C’est trop tard pour le développement durable). Je recommande vivement de visionner cette conférence (en anglais). Vous pouvez le faire sur l’internet en cliquant ici.

Ce discours m’a frappé parce qu’il montre la chute du niveau culturel dans nos sociétés. On sait que la fin de l’empire romain a été accompagnée par une montée de l’analphabétisme. Une baisse analogue du niveau culturel s’observe de nos jours avec la crise de l’éducation. J’en donne une explication à la section 13.5 de mon livre.

Dans la première partie de son discours, Meadows se plaint de l’incompréhension manifestée par la majorité des lecteurs ou auditeurs. Incapacité du public de comprendre une démarche scientifique basé sur des scénarios. Incapacité des médias de rendre compte correctement des conclusions. Tendance du public à justifier coûte que coûte des idées préconçues, plutôt que de confronter des hypothèses à la réalité. Rejet de toute idée pessimiste ou déplaisante.

Pour faire passer son message, Meadows en vient à utiliser des techniques pédagogiques du genre de celles qu’on utilisait autrefois à l’école primaire. Il demande au public de croiser les bras ou de taper des mains en même temps que lui!

On lira aussi avec intérêt l’interview de Meadows sur le site du Smithsonian Institute. Les commentaires des lecteurs du site sont, pour la plupart, d’un niveau de compréhension affligeant. On lira enfin avec intérêt un résumé d’une présentation de Meadows faite en 2010 au « Population Institute”.

On constatera que les résultats présentés par Meadows sont totalement conformes aux lois de la thermodynamique: l’effondrement prédit est caractéristique du processus de criticalité auto-organisée (passage de l’ordre au chaos). Dans mon livre, je montre que non seulement l’effondrement est inévitable, mais il l’était déjà en 1972 parce qu’il ne peut être évité sans une prise de conscience globale de toute l’humanité. Meadows attribue l’effondrement au fait que les investissements deviennent de moins en moins rentable. C’est bien une conséquence de l’effet de la reine rouge (section 13.4 de mon livre).

Un seul bémol. Meadows conclut son allocution du 1er mars en disant qu’il faut maximiser « la résilience du système ». Il n’a pas réalisé que c’est ce que fait depuis longtemps le libéralisme et, mieux encore, le néolibéralisme. Cette politique a pour effet de maintenir la croissance coûte que coûte, retardant l’effondrement le plus longtemps possible. C’est parce qu’il était moins résilient que le bloc soviétique s’est effondré. C’est aussi la raison pour laquelle le libéralisme se répand partout dans le monde. Mais plus on retarde l’effondrement, plus la situation va s’aggraver. La solution n’est pas d’augmenter la résilience du système, mais de changer de système et cela ne peut se faire qu’après l’effondrement du système actuel. Les révoltes sociales ne manqueront pas de se charger de cet effondrement.


2 réflexions sur « 40 – Conférence de Dennis Meadows »

  1. Cher M. Roddier,

    En ingénierie des systèmes, la résilience est la capacité d’un système à retrouver ses fonctionnalités suite à un choc (panne d’un des composants, chocs externes), peu importe la manière dont il le fait (cela peut passer par une réorganisation complète du système, du moment que le fonctionnel est rétabli). En psychologie, la résilience est la capacité à « rebondir » après un choc psychologique traumatique, c’est à dire, ici aussi, à retrouver un « fonctionnement » heureux après le choc.

    En ingénierie des systèmes, maintenir la fonctionnalité du système coûte que coûte quels que soient les conditions extérieures est ce qu’on appelle la « robustesse ». Le maintien d’une croissance coûte que coûte illustre la grande robustesse de notre système, mais ne dit rien sur sa résilience.
    En effet, un système peut être très robuste mais peu résilient. Un tel système exhibe alors des comportements à « effet de seuil ». Dès lors qu’une condition extérieure devient trop « extrême » en magnitude, alors elle sort du domaine de robustesse du système. Cela constitue le choc. La capacité qu’a le système à se réorganiser est alors sa résilience. Il pourrait complètement s’effondrer dès lors qu’on sort des ses limites de robustesse. Imaginez un 4×4 qui permet de rouler partout, dans toutes les conditions (grande robustesse), mais qui ne serait plus capable de démarrer en cas de panne d’un de ses composants électroniques (faible résilience au choc, le choc étant la panne).

    Dennis Meadows plaide pour un système économico-social résilient (dont la fonctionnalité serait de permettre des modes de vie bien acceptés par la population) car il sait que les chocs vont arriver quoi qu’il arrive (il parle des chocs dus à la décroissance). Je suis d’accord avec vous pour dire que notre système est robuste, mais d’accord avec Meadows pour dire qu’il n’a aucune capacité de résilience à la décroissance et qu’il est urgent de développer cette résilience. Notre système s’est tellement optimisé pour la croissance que sa capacité à rebondir, à se réinventer, en période de décroissance semble très faible.

  2. Merci pour cette précision. Il s’agit en effet de robustesse et non de résilience.

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