93 – Les quatre phases de l’économie

Suite aux développements théoriques un peu aride des billets précédents, je propose à mes lecteurs de les illustrer brièvement à l’aide de mon expérience personnelle.

La première phase de l’économie que j’ai connue est une phase de crises, traversée dans ma petite enfance: l’occupation allemande pendant la deuxième guerre mondiale. Mes parents habitaient à la lisière de Paris, près du bois de Boulogne. Lorsque l’aviation alliée a attaqué les usines Renault de Boulogne-Billancourt, nous nous sommes réfugiés chez ma grand-mère dans le cinquième arrondissement. J’entends encore le son des alertes nocturnes et je me revois descendre à la cave avec mes parents. Le souvenir qui me reste de cette époque est l’espoir d’une libération proche, mais qui tarde toujours à arriver.

La phase de dépression qui a suivi a duré une dizaine d’années. Elle se caractérise par une demande très forte et une offre excessivement faible. La population, notamment dans les villes, manquait d’à peu près tout. Les tickets d’alimentation ont subsisté jusqu’en 1949. Peu à peu la situation s’est améliorée mais, en 1954, on s’inquiétait encore de la malnutrition au point que Mendès France a fait distribuer du lait aux enfants des écoles. Politiquement, ce fut une époque très instable, le gouvernement changeant parfois tous les six mois.

Le début de la phase d’expansion coïncide avec celui de la cinquième République. J’avais alors 22 ans. Il n’y avait ni mendiants ni chômeurs. Avec des salaires en constante augmentation, le pouvoir d’achat s’accroissait rapidement. Sur la surface de Van der Waals, cette phase de l’économie correspond à une isotherme à température élevée (voir deuxième figure du billet 90), ce qui se traduit par une offre élevée tandis que la demande, enfin satisfaite, tend à baisser.

C’est l’époque où, pour compenser cette baisse de la demande, la publicité a fait son apparition. On parlait alors de «réclame» et elle se limitait aux journaux. Je ne saurais citer aucune publicité dans la rue antérieure à cette date. Les premières furent si frappantes que je m’en souviens encore. Cela allait de la plus banale: «Les piles Wonder ne s’usent que si l’on s’en sert», à la rengaine: «Du bo, du bon, Dubonnet», en passant par l’actualité: « Les Républiques passent, les peintures Soudée restent».

Il est clair que, pour un produit donné, la demande diminuait au fur et à mesure que le marché en était saturé, mais l’apparition constante de nouveaux produits innovants compensait largement ces baisses de demandes particulières en maintenant la demande globale. Dans mes précédents billets, j’ai traduit cela en disant que l’offre maintient la demande comme la température maintient la pression dans une chaudière. L’économiste français Jean Baptiste Say en avait conclu que l’offre créait de la demande. Dans son livre «l’ère de l’opulence», John Kenneth Galbraith fait le même constat.

La phase de stagflation est bien illustrée par l’économie actuelle. Le chômage est endémique. Les salaires sont à la baisse. Le pouvoir d’achat diminue régulièrement, à commencer par celui de la partie la plus pauvre de la population. Cela se traduit par une demande trop faible en regard de l’offre. Alors que la production stagne, des hordes de poids lourds sillonnent nos autoroutes à la poursuite hystérique de clients potentiels. Sur la surface de Van der Waals, cela se traduit par une baisse de la pression et de la température de l’économie, baisse qui serait pourtant souhaitable d’autant plus que le climat se réchauffe et que nos ressources en énergie diminuent.

Une société humaine se trouve ainsi dans des situations économiques très différentes suivant la phase du cycle qu’elle traverse. Selon l’époque à laquelle il vit, un économiste va décrire des faits bien différents. Il pourra même aboutir à des conclusions opposées de celles qu’il aurait tirées s’il avait vécu dans une économie de phase opposée.

Adam Smith est considéré comme le premier grand économiste. Il a vécu en Angleterre dans une phase d’expansion. Il était donc naturel qu’il décrive une économie d’expansion. Il se trouve que c’est la plus simple car, située au dessus de la température critique, ses lois s’apparentent à celles des gaz parfaits. Sans savoir qu’il s’agit des lois de la mécanique statistique, Adam Smith les attribue à une «main invisible» qui fait que l’intérêt de chacun coïncide avec l’intérêt général. Il en déduit un peu hâtivement qu’il s’agit d’une loi générale et en fait la base du «libéralisme économique».

On sait aujourd’hui qu’on ne peut mathématiquement optimiser un ensemble en optimisant individuellement chacune de ses parties (voir billet 2). Les principes du libéralisme économique sont donc viciés à la base. Il est facile de s’en rendre compte en considérant une économie dans la phase opposée, pour laquelle la «température économique» est en dessous du point critique.

Nous avons vu que c’est une économie de crises durant laquelle la société passe brutalement de l’abondance à la pénurie et s’endette. Karl Marx a connu une telle phase et l’a décrite mieux que tout autre. Il est clair qu’en période de pénurie, découvrir une source de biens matériels, sans la partager avec les autres, satisfait l’intérêt particulier sans satisfaire l’intérêt général, ce qui contredit Adam Smith. Même les insectes le savent et partagent entre eux l’information!

L’analyse de Marx a conduit au communisme, une attitude radicalement opposée à celle du libéralisme. Elle a divisé le monde en deux blocs qui se haïssent mutuellement. N’est-il pas grand temps de réaliser qu’il s’agit seulement de réponses à des phases très différentes de l’évolution économique et d’agir en conséquence?

Restent enfin les deux phases intermédiaires que sont la dépression et la stagflation. Elles sont souvent confondues car toutes deux sont des phases de stagnation de l’économie. La première est une phase de stagnation dans la pénurie tandis que l’autre est une phase de stagnation dans l’abondance.

Si l’on cherche à affecter le nom d’un économiste à ces phases, le nom de John Maynard Keynes vient immédiatement à l’esprit. Il a traversé et théorisé la grande phase de dépression de 1929. L’apport essentiel de Keynes a été de montrer que l’économie ne s’auto-régule pas comme on le croyait jusque là et qu’une intervention gouvernementale peut être nécessaire. Il n’a malheureusement pas distingué clairement la dépression de la stagflation.

Un simple regard à la surface de van der Waals, reproduite à nouveau ici, montre la politique à adopter. En cas de dépression, il faut agrandir la taille du cycle économique ce qui implique d’internationaliser les échanges. C’est ce qui a été réalisé avec succès après la dernière guerre mondiale en créant la communauté européenne du charbon et de l’acier. En cas de stagflation, il faut au contraire régionaliser l’économie de façon à diminuer la taille du cycle et passer au plus près du point critique. On n’évite pas la crise mais on en minimise l’impact en réduisant la hauteur de la chute.

On retrouve ainsi la stratégie d’alternance entre les grandes structures et les petites structures que l’évolution biologique suit naturellement avec la sélection r et K. L’évolution culturelle est malheureusement beaucoup plus rapide et l’homme a encore du mal à s’y adapter. Il tend à ré-appliquer les méthodes qui ont eu du succès dans une certaine phase de l’économie à une phase qui est maintenant son opposée. Ce faisant, il court régulièrement à la catastrophe. Cela fait partie de son apprentissage.

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L’Amérique du Nord et à sa suite l’Europe sont aujourd’hui en stade de stagflation. Un coup d’œil à la surface de van der Waals montre qu’on ne peut maintenir la croissance économique qu’en longeant la falaise de Sénèque de plus en plus loin du point critique. C’est ce qu’on fait en internationalisant l’économie. C’est ce à quoi conduira tout traité transatlantique. Mais plus on s’éloigne du point critique plus la hauteur de la falaise augmente et plus la chute sera catastrophique.

Or cette chute est inévitable, car nos ressources actuelles en énergie s’épuisent. Il serait donc beaucoup plus sage de régionaliser l’économie, mais cela implique une décroissance économique, donc des dettes à résorber. Peu d’économistes sont prêts à l’accepter, encore moins à le suggérer. Rappelons seulement que les romains se sont trouvés devant la même situation. Ils n’ont pu maintenir leur économie qu’en étendant continuellement leur empire. On en connait le résultat. L’occident à mis des siècles à s’en remettre. Cette fois l’effondrement risque d’être beaucoup plus grave car la taille des populations et des énergies mises en jeu sont beaucoup plus importantes. Qu’on se le dise.


39 réflexions sur « 93 – Les quatre phases de l’économie »

  1. J’adore ce dernier billet. C’est génial de voir expliqué aussi clairement ce que les 1% les plus riches, les plus avides de pouvoir et de transhumanisme ont compris d’instinct. Pour résoudre la crise climatique, il faut diminuer toutes les formes de consommations. Comment? En diminuant drastiquement le nombre de consommateurs. Comment? En les faisant tomber du plus haut possible de la falaise de Sénèque. Cette chute est donc tout a fait programmée, pour que les survivants, c’est à dire nos fameux 1% et un certain nombre de leurs domestiques puissent enfin jouir pleinement de nos magifiques avancées technologiques. Oserais-je ajouter que la seule solution est de changer nos responsables politiques par exemple en les faisant désigner par des élections sans candidats (c’est la sociocratie) suivies par un tirage au sort parmi ces élus. On aura ainsi des dirigeants tout à fait compétents et non soumis aux pressions des lobbies qui les ont fait élire (les 1% justement) et ils pourront prendre les mesures préconisées par l’auteur et diminuer la hauteur de la chute. En attendant, qui a un parachute?
    Clisthène

    1. Il y a plein de domaines où l’on travaille dur pour arriver aux plus hauts niveaux et où l’argent n’est pas la motivation première. Comme la musique par exemple, ou certains sports, ou bien la recherche. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, concurrence et émulations dans ces domaines sont tout à fait vivaces. En fin de compte, l’excellence fortement payée ne sert qu’à entretenir un certain modèle très néfaste pour la planète. Il faudrait réviser les salaires de nos politiques et les plafonner. Je suis certain qu’à 3000 euros par mois (et même à 2000) on trouverait d’excellents ministres tout à fait compétents, sans doute même bien plus qu’on ne peut l’imaginer.

      1. Bonjour Mr Roddier ,
        J’ai découvert vos travaux sur la thermodynamique et son application à différentes échelles de la nature avec un très grand intérêt . L’ éclairage que vous apportez sur le monde et son évolution au travers notamment de l’entropie me parait très riche de sens . Cependant , une question me revient souvent . Même si l’univers , les sociétés humaines et les hommes qui les composent suivent toujours aussi bien ces règles de la thermodynamique , ne peut -on imaginer à terme la sortie du cycle décrit dans votre billet vers une société équitable et réellement durable ? Vous parlez dans vos conférences du Démon de maxwell , cette entité théorique qui serait capable d’ abaisser volontairement l’entropie d’un système . L’intelligence humaine (ou artificielle) pourrait-elle jouer ce rôle en vue d’une stabilité et d’une durabilité du système Gaïa et des sociétés humaines ? Cette « conscience » du problème entropique pourrait-elle nous en extraire ?
        Ne maitrisant pas ces théories , j’espère avoir été clair dans mon expression et suscité une réponse de votre part
        Encore merci pour vos travaux !

      2. Merci pour ce roman, il est court mais vraiment passionnant. J’ai toujours pensé qu’il faudrait plafonner les salaires mais je trouve cette idée de tirage au sort lumineuse, très intéressante en tout cas …

  2. Bonsoir M. Roddier

    Ma première impression, quand j’ai vu votre petite sculpture en plâtre : sa forme me fait penser à une peinture de Mikalojus Konstantinas Čiurlionis, « Sonate de la Mer », car elle ressemble à une puissante vague figée, sculptée dans la pierre !
    Cette « vague haute comme une montagne, verte et glacée, empanachée d’écume ».
    https://lh5.googleusercontent.com/-FKUHg69C8jI/V0yBJ_gEDDI/AAAAAAAAATo/RkS3hsfCM8MwC-RKdUPkm5HzrrYCMQlQACL0B/w856-h642-no/Ciurlionis%2BSonate%2Bde%2Bla%2BMer.jpg

  3. Éclatante démonstration du comportement d’une économie livrée à elle même.

    Mais, si l’homme est intelligent, il pourrait faire en sorte que l’économie réponde aux besoins réels (humains,écologiques et sociaux). et non à l’accumulation de richesses et de pouvoir…

    Cela suppose d’abolir la propriété privée des Ressources primaires, de sorte à ce que les collectivités/communautés, puissent les gérer en vue de répondre aux réels besoins locaux et planétaires…

    Vaste programme!

    1. Je réfléchissais encore cette nuit à ce billet et finalement je me dis que tout çà pourrait être une aubaine. Tous comptes faits le ballet frénétique des camions hystériques que vous décrivez si justement (par modestie vous avez oublié les avions 😉 ) est de surcroît mu par des choses en très grande majorité superflues. Quel est le pourcentage de choses fondamentalement inutiles à une vie (bio) paisible dans tout çà ?
      La chute logique qui arrivera, pourvu qu’on sache conserver et développer hygiène et paix, pourrait être celle, libératoire, de l’industrie.

  4. Précision : on peut combiner une gestion collective des Ressources, et un usage privé.

    Soit remplacer le droit de propriété, par le droit d’usage… qui laisserait en pratique les même libertés individuelles, si ce n’est qu’il deviendrait impossible de faire n’importe quoi de nos précieuses Ressources.

  5. Bonjour madame et monsieur Roddier.

    C’est une brillante démonstration avec un petit bricolage astucieux.
    Ce n’est pas tellement la chute qui m’inquiète mais le fait qu’on va tomber tous ensemble.
    S’il y avait plusieurs type d’économie avec des fréquences différentes ce serait beaucoup plus résilient.
    On pourrait les imaginer en partant de l’économie mondialisée vers une économie régionale, une économie locale, une économie de quartier ou village pour en arriver à une économie individuelle (fabrication de votre moule en plâtre par exemple).
    Ne fonctionnant pas à la même fréquence elle ne tomberait pas toute en même temps de la falaise.
    Ce serait un peu comme les ponts haubanés dont les haubans n’ont pas la même fréquence de résonance pour éviter la destruction du pont.
    Je ne sais pas ce que vaut ma réflexion mais il faut bien se rendre compte qu’en général la réflexion doit de toute façon s’écarter des idées reçues et des schémas habituels.

    1. Michel,

      Ce que vous proposez là sont des plans de survie, que les « effondrés » mettent en pratique, s’ils le peuvent, depuis toujours.

      En aucun cas ça ne remplace l’étude de solution économique globale, d’autant que nous en avons les moyens.

      L’effondrement de l’économie livrée à elle même est une fatalité. Mais rien ne nous interdit d’imaginer une économie durable, tant que le Soleil nous abreuve.

      Cela passe par une gestion collective des Ressources primaires, à différent niveaux (global, régional, communal…), afin de répondre aux besoins réels, et non plus à des logiques d’accumulation.

      1. Pour ce qui est des « différents niveaux » :

        Il est probable qu’il soit plus judicieux de centraliser les industries mobilisant d’importants capitaux. (économie d’échelle)

        A contrario, l’agriculture demande de petites exploitations locales. (vous en savez bien l’intérêt !)

    2. Bonjour Michel Lambotte

      « Ce n’est pas tellement la chute qui m’inquiète mais le fait qu’on va tomber tous ensemble. »

      Vu la situation de détérioration globale dans laquelle nous nous trouvons, et surtout au vu de la hauteur de la vague (pardon… de la falaise), il semble à peu près certain que « personne n’est à l’abri » devant une telle chute.
      Alors, l’heure de prendre notre envol est venue !
      Mais, pour y arriver, il est impératif d’écouter des personnes comme M. Roddier qui nous aident à prendre une hauteur de vue maximale sur cette montagne de crises. Car, si nous n’arrivons pas à la traverser (cette montagne), peut-être réussirons-nous à la surmonter. Il nous donc faut hisser haut la grande voile. Qui sait, peut-être qu’avec un bon coup de vent, avant que la vague nous avale, nous franchirons ensemble l’écume (pardon, le bord de la falaise) blanche, et nous irons face à un ciel ouvert, à la découverte d’un nouvel horizon…

      1. Bonjour PHILGILL

        Merci pour votre commentaire
        Ce que je voulais mettre en avant était le fait qu’une économie plurielle serait beaucoup plus résiliente qu’un seul type d’économie.
        Nous l’avons déjà aujourd’hui, la sidérurgie est pratiquement par terre pendant que des petites entreprises de niche arrivent encore à se développer.
        Les transporteurs manifestent encore en Belgique se plaignant de n’avoir plus accès au crédit en plus de la taxe de circulation qu’il doivent payer.
        Qui veut encore actuellement investir dans les transports?
        Je ne crois pas beaucoup en un grand sauvetage global en hissant la grande voile mais en une somme de petites actions à la base comme par exemple ce blog et le sens pratique de notre hôte.
        A mes yeux, les cycles économiques semblent inéluctables et il faut faire avec et c’est tout le mérite de François Roddier de nous les proposer.

  6. En modifiant la figure par une falaise de Sénèque en surplomb on obtient la catastrophe thomienne « fronce », qui apparaît dans l’étude théorique de l’équation de Van der Waals:

    https://books.google.fr/books?id=HbuecPcWxJUC&pg=PA206&lpg=PA206&dq=catastrophe+van+der+waals&source=bl&ots=2_CJOkdUkW&sig=LIQFiXOq0eR9FNzd1CjI0nHM3M8&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwinzYyhkpTNAhWrJsAKHaxwABIQ6AEIJDAB#v=onepage&q=catastrophe%20van%20der%20waals&f=false

    Cette catastrophe peut se complexifier* en « papillon »

    http://thirdworld.nl/p-p-t-surfaces-of-real-gases-and-butterfly-catastrophe

    ou en « ombilic hyperbolique » (déferlement de la crête du surplomb, cf. commentaire de Claude Roddier)

    * le diagramme des complexifications structurellement stables possibles figure dans le livre de Gilmore

    1. Merci pour signaler la relation entre la thermodynamique et la théorie des catastrophes et pour la référence au livre de Robert Gilmore.

  7. « Or cette chute est inévitable, car nos ressources énergétiques sont finies. »

    Faux, archi-faux.

    Rien que l’interaction d’échange (https://fr.wikipedia.org/wiki/Interaction_d%27%C3%A9change) peut multiplier l’énergie infiniment d’après la théorie, jusqu’à 5000 fois dans la meilleure expérience réalisée.

    Mais le postulat de la rareté sert à merveille différents obscurantismes (malthusianisme, décroissance, inégalitarisme, etc).

    1. Je parle bien sûr des ressources sur lesquelles notre économie actuelle repose, essentiellement le pétrole et le charbon. Ceux-ci coûtent de plus en plus cher à extraire. Je ne parle pas de « ressources » dans l’absolu. C’est vous qui entretenez sciemment la confusion. Je modifie toutefois ma phrase pour la rendre plus explicite.

      1. Il n’y a aucune intention vicieuse de ma part. Mais vous pouvez peser la teneur du dilemne (rareté/abondance) niant le progrès qui peut mener à de graves erreurs, du moins pour ceux qui essayent de produire de la pensée, tout du moins avec certains postulats idéologiques faux.

        Cela a poussé à de graves crises sociologiques par le passé. J’ose espérer que l’époque internet permettra d’en faire l’impasse.

        Désolé pour la vigueur de ma diatribe, mais vous êtes le premier avec qui je partage cette forte inquiétude.

  8. ….Cela a poussé à de graves crises sociologiques par le passé.
    Lesquelles?
    … J’ose espérer que l’époque internet permettra d’en faire l’impasse.
    comment?
    Je ne comprends rien…

  9. L’économie de la connaissance, entre autre présentée par Idriss Aberkane dans ses vidéos, semble pouvoir permettre de renouer avec la croissance, compte tenu du fait que la connaissance, bien virtuel, peut être partagée sans perte.
    On en revient tout de même au préliminaire de sortir du matérialisme basique pour entrer dans un monde un peu plus raisonnable, pour ne pas dire spirituel…

  10. « Il serait donc beaucoup plus sage de régionaliser l’économie »

    Pour régionaliser l’économie, le vecteur le plus simple est d’en finir avec la concurrence libre et non faussée entre salariat et esclavage issu de la mondialisation, ou de Marx.
    Pour cela, il suffit de sortir le salaire du coût du produit, du moins dans sa version minimum social :
    http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/creation-de-valeur-en-echange-de-182760

  11. Concernant le concept d’élection sans candidat :

    « Une méthode proposée par la sociocratie et l’holacratie est l’élection sans candidat. Ces techniques de management développées dans des entreprises privées sont fondées en outre sur (i) le rôle d’un médiateur et (ii) l’absence de vote secret. Outre le fait que l’abandon du vote secret constitue une grave régression démocratique, la sociocratie et l’holacratie ignorent le rôle joué par le contexte économique et politique, comme s’il n’y avait pas de différence fondamentale entre une entreprises privée (ou une association subsidiée) en pseudo-démocratie et une coopérative PUBLIQUE en démocratie directe. Il importe donc de ne pas confondre ces nouvelles technique de management avec la démocratie directe. Il est dans l’intérêt de toute classe dirigeante d’entretenir cette confusion. »

    Source : http://democratiedirecte.net/election-par-tirage-au-sort.php

  12. bonsoir monsieur Korus,
    Vous dites que la sociocratie implique l’abandon de l’anonymat. Alors abandonnons la sociocratie et ne gardons que l’élection sans candidat. L’anonymat des votants est nécessaire et souhaitable. Prenons l’exemple le plus simple qui soit: l’élection d’un délégué de classe. Il est fondamental que le vote soit anonyme , sinon gare aux représailles…Deux tours peuvent être nécessaire pour éviter la dispersion des voix. L’élu a des bonnes chances d’être moins à la recherche du pouvoir mais il peut encore se monter le bourrichon du fait d’avoir été l’élu. Le tirage au sort du délégué parmi les premiers de la liste résout ce problème et bien d’autres. Ce schéma est applicable à toutes les communautés ou les gens se connaissent. Dans le cas des collectivités locales ce sont ces élus qui après avoir travaillés ensemble pendant tout leur mandat, se chargent d’élire (et de tirer au sort,) le niveau supérieur et ainsi de suite.
    On a éliminé les ambitieux avides de pouvoir et les partis politiques mais aussi les incompétents et les toxiques. Sur le plan démocratique, qui dit mieux…
    Marie Acastillone
    PS merci à Mr Chapolin (voir ci dessus) qui semble avoir vraiment aimé mon bouquin sur ce sujet.

    1. Vous dites : « Dans le cas des collectivités locales ce sont ces élus qui après avoir travaillés ensemble pendant tout leur mandat, se chargent d’élire (et de tirer au sort,) le niveau supérieur et ainsi de suite. »
      Je crois que c’est une condition ni nécessaire ni suffisante.
      Pour bien fonctionner, le tirage au sort doit être :
      – associé à une procédure de révocation (corruption, incompétence, maladie…) par une « cour » de contrôle (elle aussi tirée au sort),
      – échelonné (renouvellement par parties) ce qui permet une passation aux derniers arrivés par ceux qui partiront bientôt,
      – géographiquement progressif, au sens où pour faire partie de la liste des potentiels tirés au sort à un échelon (p.e. régional), il faut, en sus d’être volontaire, avoir assumé correctement une fonction tirée au sort à l’échelon inférieur (p.e. local), ce qui permet d’acquérir l’expérience requise.
      Cela permet de résoudre les problèmes d’ambitieux, incompétents, toxiques que vous citez.

  13. La citation de Sénèque est tirée des célèbres « Lettres à Lucilius » :
    « Tout ce qu’une longue suite de travaux constants, aidés de la constante faveur des dieux, réussit à élever, un seul jour le brise et le disperse. C’est donner un terme trop long à ces révolutions rapides que de parler d’un jour : une heure, un moment a suffi au renversement des empires. Ce serait une sorte de consolation pour notre fragilité comme pour celle des choses qui nous touchent, si tout était aussi lent à périr qu’à croître ; mais le progrès veut du temps pour se développer : la chute vient au pas de course. (Sénèque, « Lettres à Lucilius », lettre XCI, à propos de l’incendie de Lugdunum, en 59) ».

  14. A François Roddier. Vous écrivez « L’économiste français Jean Baptiste Say en avait conclu que l’offre créait de la demande. Dans son livre «l’ère de l’opulence», John Kenneth Galbraith fait le même constat ».

    Ces deux affirmations ne se situent pas du tout sur le même plan :
    Dans sa loi des débouchés, Jean Baptiste Say pose les bases méthodologiques d’un raisonnement typiquement économique. Il aurait pu fonder une science véritable. Mais sa « loi » (équivalente à un postulat chez Euclide) est rapidement devenue un argument idéologique du libéralisme.
    Dans « L’Ere de l’opulence » (1958), John Kenneth Galbraith affirme : « Ce sont les entreprises qui imposent des produits aux consommateurs, et non l’inverse ». Ce faisant il conteste la définition même de la science économique comme « science de l’aménagement de ressources rares pour la satisfaction de besoins illimités ». Il pointe une contradiction de la théorie. Si la théorie se justifie par la « rareté », la publicité est un fait troublant qui invalide la définition même de l’Economie Politique. Dans cet ouvrage, Galbraith propose la « théorie de la filière inversée ». Ce faisant, il rejoint la thèse, contemporaine (1957), de Vance Packard, parue dans « La persuasion clandestine (1958 en France) ». Galbraith conteste à la théorie économique sa pertinence par rapport à la réalité industrielle et psycho-sociologique.

  15. La rareté est une notion économique, très mal définie.

    La rareté est définie par les classiques comme la base du problème économique. Pourtant, la rareté n’est pas si naturelle ni spontanée que cela. La critique de l’Economie Politique est toujours à faire, sur ce point.

    « Rien n’oblige l’homme à produire des biens matériels à l’origine car pour sa subsistance il est tout aussi bien assuré par la nature que tout autre être biologique. Tous les animaux sont gras. L’unique nécessité de produire pour l’être humain est symbolique. La production matérielle est, dès l’origine, une production pour autrui. La production pour soi a sans doute été frappée du même interdit que l’inceste. Le sens de l’économie est d’être humaine, et donc toute marchandise est une parole et non pas l’inverse. (Dominique Temple, « Le commerce ou marché de réciprocité négative », Mars 2003, document du web) ».

    « Rappelons que la cloture des « communaux » et la suppression du droit de libre paturage des jachères, déjà dénoncé par Thomas More, a été le point de départ de la naissance de la rareté en Occident et la ruine de millions de journaliers agricoles. (Serge Latouche, « La nature, l’écologie et l’économie. Une approche antiutilitariste », note 17, document du web) ».

    Malgré sa « critique de l’économie politique », Karl Marx n’a pas su sortir de ce problème. La rareté ne fonde pas et n’épuise pas le problème de la valeur. Le problème de la valeur déborde l’économique. Il relève d’une logique sociale de reconnaissance et de différenciation, que les économistes réduisent et caricaturent par ce qu’ils appellent « répartition ». Et loin que cette logique découle du problème économique de rareté et d’affectation des ressources, c’est le problème économique lui-même qui apparaît avec un certain type de « répartition ».

    Contrairement à l’opinion marxienne ou marxiste, la valeur-travail, mesurée par le temps de travail et quantifiée par la monnaie dans les échanges de marchandises, est spécifique au mode de production capitaliste. Il n’y a que là où « le temps est de l’argent » (salariat) que la valeur des marchandises est déterminée par le temps de travail.

    Même si le problème n’est pas aussi caricatural, essayons de répondre à Marx dans le cadre même de sa problématique : l’opposition entre travailleurs et non-travailleurs. Le mode de production capitaliste se caractérise par la propriété privée des moyens de production, la division sociale du travail et la vente de la force de travail i.e. le salariat. Le réseau physique s’insère dans des systèmes écologiques plus vastes, c’est pourquoi il constitue un système ouvert. Le réseau physique comporte deux entrées qui le relient à l’extérieur. Le secteur A produit l’énergie utilisée par l’ensemble du système productif en opérant un prélèvement irréversible dans le milieu environnant. De la même manière, le secteur B fournit la matière première dont a besoin le système productif en pillant la niche écologique. Le secteur C produit les moyens de travail. Le secteur D produit les biens de subsistance pour l’ensemble des travailleurs. Les biens de luxe produits par le secteur E servent à reproduire l’ensemble des non-travailleurs. L’énergie et la matière première correspondantes ne sont pas recyclées dans le système productif, à la différence de la force de travail de la classe des travailleurs. Le réseau physique constituant un système ouvert, il est impossible d’étudier son évolution sans connaître l’évolution de ses relations avec l’extérieur. Ainsi, la séparation politique entre travailleurs et non-travailleurs modifie le réseau physique en constituant un cul-de-sac dans le système. Il n’y a pas de restitution au milieu environnant. Organisé par eux, le système productif fonctionne pour produire et reproduire les non-travailleurs, comme produit net.

    La rareté (comme manque) apparaît quand on cherche à dérouler un mouvement cyclique pour en faire un mouvement linéaire d’accumulation. D’ailleurs l’économie politique, comme discours sur la rareté, est apparue lors de la montée politique de la classe capitaliste.
    J’ai longuement développé ce point en 1976, dans un article scientifique intitulé « A la Recherche des Déterminations Économiques de la Valeur ».
    Depuis,je l’ai publié sur Internet à l’url http://rad2000.free.fr/aehvaleu.htm

  16. Loi des débouchés. Selon l’économiste français Jean-Baptiste Say (1767-1832), l’offre (les marchandises des producteurs) crée sa propre demande (le pouvoir d’achat de la monnaie détenue par la clientèle).

    La loi des débouchés ou loi de Say peut être s’interpréter de deux manières :

    d’une manière épistémologique ou scientifique ; elle vise seulement à montrer que le système productif de l’économie peut se reproduire, que les marchandises peuvent s’échanger à leur valeur et qu’un équilibre est possible (mais pas nécessaire) ; ce point de vue méthodologique est aussi celui de Karl Marx (« Misère de la Philosophie »), quand il s’oppose à Proudhon (« Philosophie de la Misère ») ;

    d’une manière idéologique ou polémique, en prenant la condition nécessaire pour une condition suffisante et en en déduisant l’impossibilité des crises économiques ; c’est le cas de David Ricardo, ci-dessous :

    « Les produits s’achètent toujours au moyen de produits ou de services ; la monnaie n’est que le moyen par lequel s’effectue l’échange. Puisqu’un accroissement de la production est toujours accompagné d’un accroissement correspondant du pouvoir d’achat et de consommation, il n’est pas possible qu’il y ait surproduction (Ricardo, « Principes de l’Economie Politique », 1817) ».

    La formulation de Ricardo arrive 14 ans après celle de Say. Or, à cette époque (1817), tout le monde constatait déjà l’existence de crises périodiques. En particulier Daniel Defoe (vers 1660-1731), qui s’est refait une santé financière en publiant « Robinson Crusoé » (1819), après avoir fait une faillite retentissante en 1792.

    Cette hypothèse méthodologique des débouchés est fondamentale. Elle permet aux classiques de poser l’égalité du revenu et de la valeur de la production. Elle permet aussi de réfuter les théories de la sous-consommation (Malthus, puis Rosa Luxembourg). Mais la condition nécessaire n’est pas une condition suffisante.

    Après l’avoir admise dans le « Traité sur la Monnaie » (1929), Keynes (1883-1946) réfute la loi des débouchés, dans la « Théorie Générale » (1936), pour des raisons tenant à la psychologie des agents économiques.

    Si la loi des débouchés a un sens, en tant qu’hypothèse méthodologique, c’est au même titre que le postulat d’Antoine Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ».
    Fonder la Physique, fonder la Chimie et fonder l’Economie Politique sont trois opérations intellectuelles qui obligent de poser des postulats. Toute science passe, inéluctablement, par là.
    En Mathématiques, Euclide n’a pas fait autrement en rédigeant les « Eléments » de la Géométrie.
    Cette « loi » peut néanmoins être « contredite » dans les faits.
    En effet, en Physique, la loi de conservation de l’énergie n’empêche pas la dégradation de l’énergie mécanique en énergie calorique, ce qui rend impossible le mouvement perpétuel.

    La « Loi de Say » est exprimée dans le « Traité d’économie politique » (1803), dans le chapitre XV du Livre I. Le chapitre est justement intitulé « Des débouchés ».
    On y trouve diverses formulations :
    « c’est la production qui ouvre des débouchés aux produits » ;
    « l’achat d’un produit ne peut être fait qu’avec la valeur d’un autre » ;
    « un produit terminé offre, dès cet instant, un débouché à d’autres produits pour tout le montant de sa valeur » ;
    « le fait seul de la formation d’un produit ouvre, dès l’instant même, un débouché à d’autres produits » ;
    « Il est bon de remarquer qu’un produit terminé offre, dès cet instant, un débouché à d’autres produits pour tout le montant de sa valeur. En effet, lorsque le dernier producteur a terminé un produit, son plus grand désir est de le vendre, pour que la valeur de ce produit ne chôme pas entre ses mains. Mais il n’est pas moins empressé de se défaire de l’argent que lui procure sa vente, pour que la valeur de l’argent ne chôme pas non plus. Or, on ne peut se défaire de son argent qu’en demandant à acheter un produit quelconque. On voit donc que le fait seul de la formation d’un produit ouvre, dès l’instant même, un débouché à d’autres produits. »

    Ces formulations ne sont probablement pas produites dans le même esprit que lorsque la mathématicienne allemande Amalie Emmy Noether (1882-1935) démontre le théorème de Noether (1918). C’est ce théorème donne toute sa profondeur à la vitesse limite de la lumière, exprimée par Albert Einstein en 1905.

    « La loi de la conservation de l’énergie a une signification qui dépasse largement sa formulation habituelle : elle exprime rien de moins que la pérennité des lois physiques, c’est à dire leur invariance au cours du temps. Sous sa coupe, le temps devient le gardien de la mémoire du monde physique et le support même de son avenir. (Etienne Klein) ».
    Mais pour que l’Economie Politique vienne rejoindre la Physique, il faut qu’elle choisisse entre le fantasme de la croissance et le principe de réalité de la conservation de l’énergie.

    Dans un cycle consacré à Keynes, j’ai publié sur Internet un texte relatif à la loi des débouchés, « Keynes 04 », il est à l’adresse suivante http://rad2000.free.fr/keynes04.htm

  17. Erratum.
    Daniel Defoe vivait un siècle avant Say et Ricardo. Il connaissait déjà des crises économiques.
    John Maynard Keynes a vécu un siècle après Say et Ricardo. Il a encore connu des crises économiques.
    Mais, c’est promis, la crise des subprimes était « la der des der ». Il n’y en aura plus.

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